Quel
est le concept de l'Institut des Sciences Analytiques ?
Pierre
TOULHOAT : Les grands objectifs de l'Institut des
Sciences Analytiques sont de préparer les méthodes
analytiques de demain, en investissant dans des disciplines
"amont" (chimie, physique, spectroscopie, électrochimie...),
et de développer des méthodes analytiques, l'instrumentation,
l'expertise et les référentiels qualité
qui sont au coeur du métier d'analyste.
L'Institut
des Sciences Analytiques a une position particulière
dans le paysage français : il propose à la fois
des activités de service et prestations, et des activités
de recherche qui viennent s'enrichir mutuellement. Il s'est
fixé pour mission d'intervenir dans le domaine de la
formation initiale et continue, et prône le transfert
de son savoir-faire analytique vers le secteur économique.
Sur le
plan de la recherche, l'institut regroupe des équipes
existantes qui, en s'associant et en coordonnant leurs actions,
vont atteindre la masse critique nécessaire à
une lisibilité nationale et internationale, en étant
positionné sur des
thématiques de Recherche et Développement liées
aux grands enjeux sociétaux de l'environnement, de
la santé et du développement technologique.
En environnement, il s'agit de mettre au point des outils
d'analyse de traces de polluants dans tous les milieux (eau,
sol, milieux biologiques), et de développer les concepts
permettant de comprendre le comportement des polluants (migration,
toxicité...). Depuis plusieurs années, on assiste
à une explosion des demandes en provenance des pouvoirs
publics mais aussi des industriels. L'Institut des Sciences
Analytiques disposera d'un laboratoire dédié
à ces questions.
L'autre thème, regroupé sous le terme de bio-analytique,
comprend la mise au point de méthodes d'analyses relatives
aux milieux biologiques, à la santé, et à
l'agroalimentaire. Les laboratoires constitutifs de l'Institut
des Sciences Analytiques, et notamment le Service Central
d'Analyse du CNRS, jouissent déjà d'une réputation
notable dans ce domaine. Des efforts particuliers seront entrepris
dans le domaine du cancer.
Le dernier
point concerne le soutien et le développement de méthodes
destinées à mieux contrôler et maîtriser
les processus industriels (minimisation des effluents, sobriété,
...) dans les domaines de la chimie, de la pharmacie, des
matériaux et de l'énergie. La relation avec
les grands groupes pétroliers est active et va encore
se développer.
On
parle beaucoup d'innovation en sciences analytiques, quels
sont les enjeux actuels ?
P.
T. : La chimie analytique est en train de vivre la même
révolution que celle des nanotechnologies, révolution
entamée par l'électronique il y a 30 ou 40 ans.
Le développement de microsystèmes analytiques
permet d'espérer des gains substantiels en productivité
et des débits analytiques bien supérieurs. Des
systèmes à bas coût et parfois jetables
ont déjà vu le jour. La miniaturisation et des
techniques aussi complexes que la spectrométrie de
masse ont une réalité à l'échelle
du laboratoire. Ainsi des appareils qui occupaient la moitié
d'une pièce tiennent maintenant dans une boîte
d'allumette. A terme on peut envisager de munir de ces microsystèmes
analytiques des véhicules, des lignes de procédés...
avec un contrôle ou une régulation du fonctionnement
en temps réel tout en minimisant les nuisances pour
l'environnement.
Un autre
défi est l'analyse au coeur des systèmes en
fonctionnement, qu'ils soient biologiques ou industriels -
in vivo ou in operando -. Le but est de permettre
une mesure des paramètres de fonctionnement de ces
systèmes sans les perturber. Le développement
de micro ou nanocapteurs, l'apparition de systèmes
analytiques traitant de nanoéchantillons concourent
à espérer relever ce défi.
Que
va apporter l'Institut des Sciences Analytiques aux industriels
?
P.
T . : Dès l'idée de la création de
l'Institut des Sciences Analytiques, les industriels, et notamment
les grands groupes, se sont déclarés motivés
à soutenir cet institut. Ils y trouveront matière
à un partenariat stratégique dans leur politique
de développement long terme.
Différentes formes de collaboration sont possibles
: contribution aux investissements pour des équipements
lourds, financement de bourses de thèses, contrats
de post-doctorants, détachement de personnels, voire
même association par le biais d'une convention particulière
avec l'institut.
Par ailleurs,
en tant que plate-forme technologique rassemblant des équipements
de haut niveau, il est prévu un accès aux industriels,
et notamment aux PME - PMI. Dans certains domaines spécifiques
où l'analyse joue un rôle important (drug discovery
par exemple), des associations plus étroites avec des
PME-PMI sont envisageables.
De plus, l'Institut des Sciences Analytiques a une vocation
de prestataire de service en analyse dans des milieux et domaines
très variés.
Enfin,
l'institut souhaite contribuer à la formation initiale
et permanente (ou continue) dans son domaine. Des personnels
interviendront directement dans la mise au point d'enseignements,
notamment pour des masters professionnels et de recherche
en chimie analytique. Les activités de formation permanente
déjà très développées seront
regroupées et optimisées au sein de l'Institut,
l'ensemble du parc analytique permettant des démonstrations
et la mise en situation des stagiaires.
Comment
va se mettre en place concrètement ce projet ?
P.
T . : Le projet est porté par le CNRS et l'Université
Claude Bernard Lyon 1. Le Cemagref aura un laboratoire commun
dans le cadre de l'institut, et l'ESCPE Lyon interviendra
notamment sur les aspects de l'enseignement et de la formation
permanente.
Le coût
total de l'opération s'élève à
30 M €. Le
financement du projet immobilier est assuré pour moitié
par la Région Rhône-Alpes et pour l'autre moitié
par l'Etat, tandis que le Grand Lyon met à disposition
du projet un terrain.
A son ouverture prévue en 2007, l'institut regroupera
150 permanents - des chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs
et techniciens - auxquels sont à ajouter des stagiaires,
des doctorants, des post-doctorants et des visiteurs. La
mise à disposition des équipements les plus
sophistiqués au profit de programmes de recherche attirera
des scientifiques non seulement d'autres régions de
France, mais aussi d'Europe, voire du reste du monde.
Par ailleurs,
sur
le terrain où sera implanté l'Institut des Sciences
Analytiques, sont programmés deux autres projets d'ampleur
: le Centre Européen de RMN à très hauts
champs et l'implantation du groupement de Lyon du Cemagref.
Une maison de l'environnement est également à
l'étude. Et il est envisagé, en lien avec le
Grand Lyon, qu'une pépinière d'entreprises puisse
s'implanter sur ce terrain ou à proximité immédiate.
Ces projets doteront le Domaine Scientifique de la Doua d'une
vitrine particulièrement visible dans le domaine des
sciences de l'environnement et de l'analyse.
Ils
permettront aussi une reconquête du territoire urbain
dans la frange Nord de Villeurbanne, avec une redynamisation
des commerces et de l'immobilier dans l'environnement proche
du site.
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